Désormais, l’islamophobie est une politique d’Etat officielle, assumée et revendiquée, administrativement appliquée : celle des Etats-Unis d’Amérique sous la présidence de Donald Trump.Il y a un peu plus de deux ans, j’ai écrit « Pour les musulmans » (La Découverte) afin d’alerter contre des discours qui diabolisaient, en bloc, l’islam, ceux qui le pratiquent ou ceux qui viennent de pays où il est la religion dominante.
Je me dressais contre ces paroles, ces mots, ces livres, ces médias qui habituaient l’opinion à la stigmatisation et à l’exclusion d’une partie de l’humanité à raison de son origine. Traduit depuis en anglais (« For the Muslims », Verso), ma réflexion s’appuyait sur la situation française où, depuis des décennies, la construction d’un « problème musulman » servait de diversion aux questions démocratiques et sociales, par la construction de boucs émissaires.
J’y affirmais, en convoquant le point de départ de la catastrophe européenne (la banalisation d’un antisémitisme moderne à la fin du XIXe siècle, dont l’affaire Dreyfus sera le symbole), que le pire commence ainsi : par cette banalisation de discours où s’entremêlent la peur et la haine. Et c’est ainsi que survient l’indifférence : « Pire que bruit des bottes, le silence des pantoufles ». J’écrivais en pensant à la France, mais c’est de l’autre côté de l’Atlantique que mes sombres prédictions se confirment.
Comme c’était à prévoir, le néo ou post-fasciste (répétition ou nouveauté, mais fasciste dans les deux cas) Trump met ses paroles en actes, des paroles et des actes qui plongent un peu plus le monde entier dans une violence identitaire déchaînée.
J’aurais préféré avoir tort. Mais que ceux qui ne m’ont pas écouté prennent maintenant le temps de réfléchir.
Aujourd’hui les musulmans, demain les noirs, les femmes, les juifs, les LGBT, les dissidents, les opposants, les minorités, etc. Avant qu’il ne soit trop tard, nous devons tous, en masse, manifester notre solidarité à celles et ceux que la première puissance mondiale a décidé de bannir de son territoire parce qu’ils sont originaires de pays musulmans.
Oui, plus que jamais, « pour les musulmans ».
Edwy Plenel