Leila, la malvoyante !
Le 26 Janvier 2021
Dans l’Algérie des années soixante, juste après l’indépendance, où tout le monde se réjouissait d’avoir chassé le Colonisateur français après 130 ans d’occupation. Dans la compagne où vivait Kouider Hammad avec sa famille, travaille les champs toute la journée avec ses frères. Ils labourent et retournent la terre, ils sèment et récoltent. Ils moissonnent et ramassent le blé et toutes les récoltes destinées à nourrir leur famille de quinze personnes. La famille Hammad arrivait à subvenir à ses besoins en nourriture et ne manquait de rien.
Kouider qui n’était pas encore marié à 17 ans est pressé par son père, à demander la main de sa cousine Nora, de deux ans plus jeune que lui. Kouider n’était pas encore prêt à convoler. Il préfère quitter la compagne à la recherche d’un travail en ville. Il trouve un emploi de jardinier dans la municipalité et se cherche un logement et s’installe en ville.
Voilà qu’un bon matin son père frappe à sa porte. Kouider était très surpris par cette visite inopinée. Son père sentit son malaise et lui dit ‘croyais tu que je n’allais pas trouver l’endroit où tu habites ?’
Tout en roulant sa grosse moustache, un geste intimidant. Il rappelle à son fils la promesse qu’il a faite au père de Nora, la cousine de Kouider. Que le temps est venu d’honorer la promesse du patriarche.
kouider finit par épouser sa cousine et l’emmène vivre en ville, avec lui. Ils eurent sept enfants, une charge considérable pour la mère, qui doit s’en occuper tout on exécutant les travaux ménagers. Elle était épuisée. Kouider lui suit un rituel bien défini, qui rappelle celui de son père. Il rentre du travail et s’attend à trouver la nourriture prête. Il mange et rentre dans sa chambre où personne ne devait le déranger.
Parmi les enfants nés de son mariage avec Nora, il y avait Leila la mal voyante, que Kouider n’a jamais daigné emmener consulter un spécialiste des yeux. Il a dit ‘elle est née comme ça c’est son destin, il n’y a rien à y faire’ Un fatalisme troublant, qui révèle la nature machiste et rigide de Kouider.
Leila ne sortait jamais de la maison, sauf si elle accompagne ses parents, par exemple à l’enterrement de son grand-père, à la compagne.
Elle monte sur la terrasse tendre le linge et essaye de contempler du regard l’étendue des maisons. Le Soleil la dérangeait, elle n’arrivait pas à ouvrir ses yeux, lorsque celui-ci brille trop fort. Dès qu’une des voisines l’interpelle sur la terrasse, elle fuit effarouchée et se réfugie dans sa chambre.
Les enfants commencent à grandir, leur scolarité devient nécessaire. Un à un ils sont inscrits et retrouvent les bancs de l’école, tous à part Leila. Personne ne pensait qu’elle aussi avait droit à l’école. On l’a oubliée et sa mère lui colle toutes les corvées de la maison. Leila se sent de plus en plus injustement traitée, mais ne disait rien. Elle a demandé une fois à sa mère la raison pour laquelle on ne l’a pas inscrite à l’école. Sa mère trop gênée, pour lui répondre franchement, elle lui dit que tout le monde ne doit pas aller à l’école, certains doivent s’occuper des travaux ménagers.
Leila ne dit rien, mais sa souffrance intérieure la ronge. Les années passent Leila a 26 ans, son frère se marie et vient habiter avec son épouse à la maison. Sa belle sœur la déteste et dit à chaque fois au frère, qu’elle souhaiterait ne jamais voir cette aveugle.
Leila ne comprenait pas le courroux de sa belle-sœur, toutes les vieilles blessures remontent à la surface, la façon dont les autres la regardaient, comment il la traitaient tous d’aveugle. Leila sent le poids des supplices et des chagrins qu’elle a endurés et qu’elle endure encore à cause de son handicap, les méchancetés des gens et leur cruauté.
Un matin, elle ouvre la porte et s’en va, elle ne savait pas où, mais elle sentait le besoin pressant de s’éloigner de son destin. Elle continuait sa route. Elle devait se libérer de cette prison dans laquelle ses parents la maintiennent. Le poids de l’injustice dévorait son âme. Elle continue à errer sans but précis
A la maison la mère la cherche, s’inquiète et vient en parler à Kouider, le matin à son réveil. Il ne bouge pas et ne change rien à ses habitudes, il prend son petit-déjeuner. Quand il a fini, il roule sa moustache, comme faisait son père, en signe de colère et dit à Nora ‘je vais la chercher et si je la trouve je lui ferais regretter son escapade’.
Pendant ce temps Leila se retrouve brusquement dans le cimetière et commence à marcher au milieu des tombes, en pensant dans sa tête ‘tous ces gens ont retrouvé la sérénité et la paix’ elle s’approche d’une tombe et s’assoit ou plutôt s’étend sur la pierre. Le gardien qui suivait ce qu’elle faisait de loin, crut qu’il s’agissait d’une attardée mentale. Il s’approche d’elle pour lui demander de se lever de quitter les lieux. Il l’a trouve morte. Un ange est venu la chercher, pour l’emmener loin rejoint les autres morts, afin de retrouver la paix et le repos éternel. Elle n’était pas faite pour vivre dans ce monde féroce.
Kouider ne trouvant pas Leila en ville, va voir le commissariat de police et déclare sa disparition. Pour apprendre un peu plus tard qu’elle a rendu l’âme seule dans un cimetière.
Kouider réalise alors son péché et son égarement. Il eut des remords et regrette d’avoir traité Leila avec indifference de ne lui avoir pas donné sa chance, de l’avoir réduite à une simple employée de maison, juste parce qu’elle avait un handicap. Il regrette aussi de ne l’avoir jamais emmenée chez un médecin spécialiste.
Les regrets sont superflus, lorsque le mal est fait et ne peut être défait ..
Source: Abdessadek Ben Issa/ MED1
Traduit de l’arabe par Fati Alaoui, Ethiqueetsociete
2 commentaires
Très touchant, j’ai adoré l’histoire
C’est vrai