Jazzablanca œuvre pour «une Casablanca cosmopolite »
La huitième édition de Jazzablanca revient tambour battant. Une bulle de jazz qui fera swinguer la ville de Casablanca jusqu’au 7 avril.
Moulay Ahmed Alami.
Village jazzy, exposition dédiée au jazz, concerts et animations au cœur de la ville ponctueront le festival qui se pare d’une nouvelle équipe organisatrice, sous la direction de Moulay Ahmed Alami. Des invités de marque investiront l’hippodrome d’Anfa comme l’Américaine Melody Gardot, la Belge Vaya Con Dios, le chanteur et oudiste tunisien Dhaffer Youssef, le groupe américain Abraham Inc, le pianiste Chucho Valdes et le sixtet M’Oud Swing du Maroc et le talentueux Ahmed Sultan. Place également à une programmation-off qui fera découvrir diverses tendances de jazz dans les endroits branchés de la ville.
Quelle particularité avez-vous conféré à Jazzablanca cette année, en tant que nouveau DG du festival ?
Pour cette édition, nous avons voulu croiser plusieurs civilisations et tendances, en programmant des artistes juifs, arabes et des artistes de différents horizons dont Dhaffer Youssef, Abraham Inc qui est un trio représentant un univers à part et une fusion de funk et de jazz. Le groupe marocain Mood’swing combine le jazz américain au son marocain, Mélodie Gardot représente le jazz vocal, Vaya Con Dios le jazz pop avec des influences jazz et manouche, et un pianiste légendaire Chucho Valdes. Je vise surtout à travers ce festival à promouvoir la notoriété de la ville de Casablanca. Malheureusement cette ville, même avec ses cinq millions d’habitants n’est plus aussi cosmopolite qu’il y a cinquante ans. Plus elle s’ouvrira au reste du monde plus il sera facile d’y vivre.
Comment positionnez-vous ce festival par rapport aux autres festivals de jazz comme Tanjazz, Jazz au Chellah ou encore nouvellement Madjazz de Marrakech ?
La référence des festivals de jazz au Maroc est indéniablement Tanjazz, mais j’espère que cette édition changera cet état de fait. Jazzablanca cette année se situe à un autre niveau, en termes de notoriété internationale. Dhaffer Youssef, par exemple, vend des centaines de milliers d’albums à l’étranger. A Tanjazz, les groupes sont très pointus en jazz mais ne sont pas forcément internationalement reconnus.
Dans votre nouvelle programmation, avez-vous suivi le modèle des festivals de jazz confirmés ?
Jazzablanca a un modèle propre à lui. L’idée de programmer des artistes dans cinq clubs de la ville s’inscrit dans une vision de rayonnement de Casablanca. Nous faisons vibrer les Casablancais du 26 mars au 7 avril, au Jack Rabbit, Churchill Club, La Maison Blanche, Le Tahiti et au Sofitel. Les groupes déambuleront d’un endroit à l’autre. Sur l’hippodrome entre chaque représentation des têtes d’affiche se dévoilent des groupes moins connus qui apportent du sang neuf à la scène jazzy de Casablanca. Nous souhaitons que les habitants de la ville portent un nouveau regard sur cette musique. L’idée au départ était de programmer uniquement des groupes marocains dans les cinq clubs de la ville, mais par manque de temps nous avons choisi des groupes notoires à l’étranger. Nous rectifierons le tir l’année prochaine.
Au-delà de la dimension cosmopolite, comment comptez-vous impliquer la jeunesse de Casablanca, qui n’a pas d’affinités avec cette musique ?
Nous collaborons actuellement avec l’association l’Alliance culturelle de Casablanca, qui regroupe des journalistes et des activistes impliqués dans la culture, et qui a lancé récemment sa première opération, celle d’équiper une maison de jeunes à Derb Gallef en livres, CD et instruments de musique de tous genres, avec l’appui du gouverneur de Casablanca-Anfa. Nous avons également créé des ateliers de formation à la FOL et décidé d’initier une quinzaine d’enfants à la musique jazz. Cela donnera lieu après quatre semaines à un concert de restitution à l’hippodrome, le mercredi 3 avril. Ceci est une activité pointue et ciblée chapeautée par deux professeurs passionnés de jazz. Elle constitue une des pierres de l’édifice que nous voulons construire, voire mettre en place, à travers des ateliers sensibilisant à plusieurs styles de musique. L’association s’investira sur trois volets: l’équipement de maisons de jeunes en fonction des acteurs économiques qui l’accompagneront, la formation, et le volet militant culturel pour créer des activités viables sur le long terme.
Quel modèle tarifaire adoptez-vous cette année ?
Les prix ont été revus à la baisse par rapport à l’année précédente. Officiellement, le Pass pour les six concerts est à 1 500 dirhams, mais nous avons introduit des Pass de 1 000 dirhams, ce qui équivaut presque à 166 dirhams par concert. Cette offre que nous proposons sur Mydeal attire des acheteurs, et nous permet, en tant qu’organisateurs, d’avoir une visibilité pour la prochaine édition. Les tarifications s’étofferont avec le temps, et dépendront du modèle économique de l’année prochaine, des sponsors, de l’implication de la ville de Casablanca et des partenaires qui voudront s’investir sur plusieurs années.
Quelles sont les contraintes de la ville de Casablanca, en termes d’organisation de festivals ?
Il y a deux contraintes majeures : les lieux et la sécurité. Casablanca manque d’espaces propices aux concerts, et il faut que la région s’implique dans l’aménagement des scènes publiques. L’hippodrome n’est pas une scène à proprement parler, et a requis beaucoup d’aménagements pour devenir un espace digne d’un concert, à la différence du Chellah à Rabat ou du Palais Moulay Hafid à Tanger. Au niveau de la sécurité, les autorités sont souvent frileuses par rapport à l’aménagement de scènes publiques et ont souvent peur des débordements engendrés par les concerts. N’oublions pas que Casablanca est une ville agressive.
Les Échos du 28 mars 2013